Mission sur Mars : le défi ultime du corps humain
Nous n’y pensons pas, mais nos corps évoluent dans la gravité. Nos muscles nous permettent de lutter contre elle. Soulever un bras, marcher, porter une fourchette à sa bouche impliquent une lutte constante contre la gravité.
En revanche, cette lutte nous permet d’entretenir notre masse musculaire. C’est notre première source d’entraînement. Chaque mouvement que nous effectuons pour vaincre notre gravité terrestre, engendre une cascade d’événements (libération de messagers chimiques) à l’intérieur même de notre corps qui favorise le maintien et le développement de notre masse musculaire. En termes plus scientifique, c’est la stimulation mécanique de base essentielle à notre survie.
Dès que la gravité disparaît, notre corps ne reçoit plus aucune stimulation. Sans elle, la cascade d’événements cesse. Nos muscles ne reçoivent plus le message qu’ils doivent s’adapter. Ils perdent leurs constituants : les protéines. Autrement dit, les muscles fondent.
Pour éviter la dégradation musculaire, les astronautes doivent s’entraîner dans l’espace deux heures par jour. Des appareils d’entraînement les soumettent à nouveau à des résistances qui stimulent les muscles et réveillent cette cascade d’événements au niveau du muscle qui l’amène à se reconstruire.
Toutefois, quand un astronaute s’entraîne deux heures par jour, il faut comprendre que ses muscles restent 22 heures dans un environnement qui ne lui apporte aucune stimulation. Dans ces conditions, l’entraînement ne sert qu’à compenser. Inévitablement, dans l’espace, les muscles perdent de leur capacité. Leur volume et leur efficacité diminuent, réduisant aussi considérablement le niveau de condition physique.
La première mission sur Mars représentera pour le corps humain un défi d’envergure. Des mois pour se rendre sur Mars, et des mois pour revenir sur Terre, en ajoutant le temps passé sur Mars elle-même.
Les astronautes passeront ainsi de nombreux mois dans un environnement qui favorise la dégradation de leurs muscles. Ce n’est pas pour rien que la recherche de contre-mesures à ce phénomène est d’une importance capitale.
Nous savons que la lutte contre la gravité est essentielle au maintien de la masse musculaire. Nous savons aussi que l’entraînement musculaire favorise le développement des muscles en apportant la stimulation mécanique, et en provoquant le stress métabolique nécessaire au déclenchement de la cascade de messagers chimiques qui conduisent au développement de la masse musculaire. Ce développement se traduit par l’accumulation de protéines au niveau des muscles.
Lorsque la construction des protéines musculaires (anabolisme) égale leur destruction (catabolisme), la masse musculaire reste stable.
Lorsque la destruction des protéines musculaires est supérieure à leur construction, il y a perte de masse musculaire. Ce qui se produit dans l’espace, ou lorsqu’une personne est sédentaire.
Un gain de masse musculaire est présent lorsque la construction de protéines musculaires surpasse leur dégradation. Donc, augmenter la construction de protéines musculaire est une option. Il y a aussi l’option de réduire la dégradation des protéines musculaire tout en maintenant une construction stable. Ou la dernière option, accroître la construction des protéines musculaires tout en réduisant leur vitesse de destruction.
Pour régler le problème que rencontreront les astronautes, l’idéal serait de recréer la gravité dans l’espace. Mais ce ne sera pas le cas lors de la première mission vers Mars.
Il reste l’entraînement, mais ce sera loin d’être une solution parfaite.
Comment solutionner ce problème alors ? En fait, nous savons ce qu’il faut faire sur Terre. Bouger et s’entraîner. Dans l’espace, l’entraînement sert à compenser, mais il y a les nombreuses heures en apesanteur, sans stimulation mécanique.
Vous comprendrez que je n’ai pas la réponse à ce problème fascinant. Mais nous savons déjà beaucoup de choses sur le développement musculaire. Les deux principales : les muscles ont besoin de la stimulation mécanique et du stress métabolique engendré par l’entraînement (et la gravité) pour se maintenir ou se développer.
La question la plus fascinante que je me pose depuis des années est la suivante : est-il possible en apesanteur, de leurrer le corps et lui faire croire qu’il subit une stimulation mécanique ?
Autrement dit, comment arriver à déclencher la cascade d’événements qui stimule le développement musculaire, sans utiliser la gravité ou l’entraînement ?
Je n’ai pas encore la réponse, mais avouez que c’est un sujet de recherche passionnant.